Elle portait la vie et elle a donné la mort. Cruelle destinée qui arrache à la reine le plus prestigieux des titres, celui de maman. La maudite s'en est retournée à la lande, incapable d'essuyé les regards compatissant teintée d'une pitié dont elle n'a que faire. Elle se sent vide, déconnectée de ses émotions, elle n'est plus qu'une carcasse dépossédée d'âme, à peine vivante, elle se crève de l'intérieur. Lascivement posée contre son trône, elle envoie valser d'un mouvement vague les créatures qui s'approchent d'un peu trop près. Seule et isolée, elle ne peut supporter la présence d'autrui, incapable de se supporter elle-même. Ses doigts glissent sur son ventre et s'agrippent férocement contre le tissus. Le manque et l'absence ronge son cœur, noircisse son âme. Anéantie par la perte d'un être qu'elle n'avait pourtant pas eu le loisir de rencontrer, non, mais elle l'avait senti en elle, elle avait laisser son cœur battre à l'unisson avec celui de ce bébé en devenir. Il n'était plus là, toute trace de son existence gommé alors que chaque parcelle de son être était imprégné de lui. Et Elle ne trouvait plus de ce monde qui avait rejeté sa chaire et son sang, refusant de vivre dans un monde où il n'existait pas. Ses iris se perdent dans le néant, impassible, alors que ses traits sont abîmés par cette épreuve que la vie lui impose. Elle cherche un coupable, n'importe lequel, elle cherche un sens, parce qu'elle ne peut tolérer l'intolérable.

Malefique a retrouvé le goût du rire, perdu autrefois, arraché pour l'ambition d'un homme qu'elle pensait d'amour sincère, détruit sous une botte indifférente et cruelle à la fois. Mais grâce à une enfant qu'elle souhaitait oscire, grâce à des gens qu'elle désirait mépriser, la fée n'est plus ce qu'elle était. En perdant ses ailes, elle a trouvé une famille. En perdant sa fille pour un prince, elle a gagné une maison. Maléfique s'élance dans les airs, ses longues ailes se déployant gaiement pour la transporter au fil du vent, elle donne des cours aux plus jeunes. Mais pourrait-on pour autant la dire insouciante ? Non, car la personnalité jamais ne s'éloigne trop de l'âme et la femme sent que les ennuis sont proches. Toujours. Une menace latente qui tremble au coin de ses yeux, près de ses oreilles. Et puis, au milieu du bonheur, un cri terrible, funeste, morbide. Une voix qu'elle connaît par cœur. Sa main se porte à son cœur alors qu'elle entreprend un virage. "Janus, ramène les enfants, je dois m'absenter." dit elle sans un regard, elle est déjà ailleurs, auprès de la seule qui a jamais compté à ses yeux. Avec une vitesse effarante, la fée laisse une traînée dans les nuages jusqu'à la lande, l'instinct lui dicte que c'est à cet endroit précis qu'elle doit se rendre, sous les saules rieurs. Son myocarde bat à tout rompre, il résonne dans sa poitrine, ses iris dorés s'inquiètent de ce qu'ils vont trouver. D'une certaine façon, elle le sait déjà.

Ce cri elle le connaît pour l'avoir pousser il y a déjà deux décennies, c'est un hurlement de perte et de deuil, un déchirement atroce de la gorge et de l'âme. Maléfique est terrifiée, angoissée, elle espère ne pas arriver trop tard. Ses pieds bus se posent sur la terre enchantée de son pays natal. Pourtant, un silence de mort règne, ni les naïades, ni les gobelins, ni même les insupportables Flora et Paquerette ne dérangent cet assourdissant silence de leurs caquettements incessants. Malefique court, sa longue robe s'emmêlerait presque dans ses jambes moins habituées à marcher depuis quelques temps.

Et puis, elle la voit, avachie sur le trône, la lueur disparue de son regard, une main sur un ventre trop plat, trop vide. Le visage de la fée noire se tord de douleur. Maléfique n'a jamais été douée pour les mots de réconfort, maladroite et distante sont plutôt les mots qui la caractérisent. Les effusions de tendresse n'ont pas non plus fait partie de son apprentissage. Mais aujourd'hui n'est pas pareil aux autres jours. Elle s'élance jusqu'à Aurore, la soulève et la prend dans ses bras, ses ailes se referment autour du dos de la reine. "Oh beastie." et bien tout ce qu'elle peut dire.

Le bruissement qui vient briser le silence pesant qui enveloppe les lieux, sa mâchoire se crispe alors que son regard morne se soulève pour se heurter à la silhouette maternelle. Son myocarde se brise, se déchire et se tord face à cette présence bien trop familière qui pourrait la faire sombrer. Les larmes lui brûlent ses yeux sans qu'elle ne les laisse couler, craignant de ne plus jamais pouvoir s'arrêter si elle s'abandonne à une telle tristesse. Elle se mord l'intérieur de la joue, elle lutte, contre le torrent émotionnel, contre elle même. La voilà qui secoue sa frimousse à la négative, alors qu'elle se redresse, fière et droite, barrage à ses émotions qui menacent de l'engloutir tout entière. « Don't. » qu'elle grande, la voix teinté d'un désespoir indescriptible. Pourtant la créature fond sur elle, l'enfermant dans l'étreinte de ses bras, envelopper dans le girond de ses ailes. Elle murmure, douce supplication, elle accueil le malheur de l'enfant qu'elle a vu grandir. Pourtant, aurore se raidit et se crispe entre les bras de sa marraine. Ses bras relever pour la repousser sans pour autant en trouver la force. Elle secoue son minois à la négative, tentant toujours de repousser les sanglots qui la menace. Ses lèvres tremblent d'émotion. Maléfique l'a sortie de sa torpeur, pour la confronter à une détresse bien plus grande encore. Son cœur s’accélère, chaque battement plus douloureux que le précédent, alors que le souffle semble soudain lui manquer, comme si l'air ne parvenait plus correctement à ses poumons. « I can't do it anymore. » Elle ne peut plus vivre, régner, aimer. Elle ne peut plus.