childhood
"I want to plaaay with you." boude l'enfant alors que ces deux frères s'éloignent, Enolan la garde à distance, elle le sait et elle trouve ça vraiment injuste, mais Cassiopée tente tout de même de les convaincre. Elle s'ennuie. Les bras croisés sur son chemisier qui dépasse un peu de son pantalon. "I even put on a pants and mom we'll be mad again. Please Eno, Gid, let me play with you for once." Mais les garçons déjà sont partis et ses sourcils froncés et son regard qui tue n'y peuvent rien changer. Elle peste la petite en retournant vers la bibliothèque, havre de paix, en chemin elle croise sa grande-soeur, assise avec classe. La petite ne s'arrête pas et grommelle dans sa barbe assez fort pour être entendue "Boys, am I right." Pour toute réponse un sourire de connivence apparaît sur les traits de Themy, ce qui suffit à calmer la tempête qui gronde dans ses entrailles jalouses. Si l'Iskander est boudeuse, ce sont bel et bien des averses passagères qui durcissent ses traits et croisent ses bras et transforment sa bouche en une moue terrible. Ses bras retombent sur son corps encore jeune, sur ses formes à peine naissantes, alors que la brune entre dans son antre somptueuse. Commence par son rituel en touchant tous les livres qui traînent, caresse les tranches et leur murmure des mots d'amour comme certains parlent aux plantes. Puis elle les range toujours, se détend dans cette simple action, en oublie les garçons qui ne veulent jouer qu'entre eux et la future colère de sa mère. Pour rien. Dans sa recherche, Cassiopée tombe sur un livre ouvert, celui que lisait son frère la veille, la malice dans les iris chocolat, la gourmande d'énigme s'approche à pas feutré - comme si le bouquin pouvait s'effrayer et s'enfuir - puis laisse glisser ses doigts sur les pages jaunis, des mèches rebelles tombent sur ses cheveux et dans un geste sûr et les relève, les entortille un instant puis les entoure dans son chignon grossier. L'adolescente curieuse attrape le gros livre de ses deux mains et court se poser sur l'un des fauteuils, tout près de la fenêtre. Son plaid sur les genoux et un coussin bien calé entre ses omoplates, la lecture débute.

Sans voix , il crie;
Sans ailes , il voltige;
Sans dents , il mord :
Sans bouche , il murmure .

Les secondes s'égrènent, les cellules s'activent alors que la toxic reconnaît l'écriture soignée de Gidéon. Cassiopée prend son temps pour réfléchir avant d'attraper un crayon et inscrit sa réponse en toute lettre, le vent. C'est un jeu amusant qui unit les deux adolescents, la pétillante et le sérieux. Ce soir, si ses autres énigmes sont aussi belles que la précédente, elle lui inventera une histoire. Où il sera chevalier, où il sauvera la princesse, où il vaincra des dragons.

"Cassiopée Iskander. why are you wearing this ridiculous regalia... " Dans l'entrée de la porte, sa mère se tient et la conversation qu'attendait Cassi et qui s'est faite attendre arrive enfin. D'un geste elle referme le livre qu'elle lisait depuis une bonne heure déjà, et se relève. "Oh mom, I just wanted to play with my brother." "And you can do that with a dress you know." Des dizaines de fois la mère et la fille ont eu ce genre d'échange, c'est une danse maîtrisée à la perfection par les deux, répliques s'enchaînent comme dans une pièce de théâtre habilement orchestrée. Et ça l'amuse Cassi alors qu'elle s'approche en quelques enjambées de sa mère chérie, qu'elle plante un baiser sur sa joue. "I could, but it would be sooo difficult to run and hide and jump with a dress. Especially the one you choose !" Les boucles de sa mère se secouent avec son visage, et l'adolescente entend déjà la réponse qu'elle recevra. Pourtant, cette fois sa mère lui caresse la joue, un regard un peu nostalgique qu'on ne peut sans doute pas comprendre avant d'avoir des enfants car Cassiopée ne le comprend pas. Puis se retourne après lui avoir tendrement tapoté la joue. Cassiopée fulmine, car par ce geste sa mère l'emporte, you're just a child. Pourtant un sourire ne quitte pas ses lèvres encore enfantine.

10 octobre 2676
She's dead. I couldn't save her. Le fait implacable laisse un goût amer dans sa gorge, dans son cœur ; la fillette a fermé ses yeux pour toujours et Cassiopée n'a rien pu faire pour l'aider. Les larmes coulent le long de ses joues, laissent leur trace indélébiles sur son visage fermé tandis qu'elle fait les cent pas dans son bureau. Elle repense à tous les essais, aux multiples tentatives infructueuses pour protéger la petite mutante d'un sort fatal. Si elle croyait aux Dieux, elle penserait qu'on ne peut rien face à la volonté Divine, que peut-être la mort de cette enfant n'est qu'une inévitable punition quelconque pour punir l'ubris des akkadiens. Sauf que cela fait longtemps que les Dieux n'hantent plus les pensées de l'Hiokuryenne, longtemps qu'elle ne croit plus en ces masques de fumée, créés par les hommes pour justifier leurs actes et leurs pêchés. Ce n'est que le court de la vie, inflexible et hasardeux, ce n'est là que la conclusion de sa propre imperfection, de ses limites. Même ses pouvoirs supposément divins n'y auraient rien changé. Même toutes ses années d'apprentissage n'ont rien apporté. Pour la première fous de sa vie, l'enfant protégée et argentée se confronte à la noirceur du Monde. Et dans sa tête naît une envie irrépressible de changer la donne. Cassiopée ne fera rien pour l'étouffer, au contraire, elle y puise la force de se relever, et d'avancer. De sécher les gouttes de rosée sur ses joues, de se tourner vers l'avenir. Si elle n'est pas idiote au point de penser que plus jamais elle ne rencontrera la Mort, la jeune femme décide de tout faire pour l'éloigner le plus possible. Les akkadiens sont résilients, la preuve en est des rouges si longtemps asservis qui ont vu un autre monde et ont créé le changement qu'ils voulaient voir. Non pas que la situation actuelle soit si idyllique, mais justement, il y a tant à faire, et la jeune femme - des étoiles dans les iris - compte bien apporter sa pierre à l'édifice. I want to helm them. There's a cure somewhere, and I'll find it.  

17 mai 2677
En une fraction de seconde tout peut basculer. Le ciel azuré se brouille de gris, gonfle et explose de milliers de gouttelettes, un cœur s'arrête sur une table d'opération, et des bombes colorent le ciel de sang et de cendres. En une fraction de seconde tout peut basculer. Et tout bascule.

Un moment on déambule dans les rues rassurantes de l'enfance, l'instant d'après les cris de peur remplacent les rires des enfants, l'ivoirin et le carmin se mélangent au bitume. Ils marchent côte à côte et la compagnie du brun souriant et lumineux permet à Cassiopée d'oublier le vide pesant qu'a laissé son amant depuis tant de mois maintenant. Un bras accroché à celui de son compagnon, ils déambulent dans les rues, not a care in the wolrd. "You have the honor to be with me today, and not with some grumpy guy. So give me that sweet smile of yours." Un rire léger accordé au Jenkins, et un sourire sur les lippes rosées pour l'occasion. "And so humble too." Des cris d'abord, des coups de feu ensuite. Les gens courrent et une follie s'empare de la foule. Dans tous les sens, des enfants se retrouvent séparés de leurs parents, des jambes se dérobent sous les corps. Phin et Cassi courent à en perdre haleine, sa main se resserre sur le bras du jeune homme, elle trébuche mais jamais ne tombe, ils ne savent pas où ils vont, tentent simplement de s'enfuir et de s'éloigner du danger. Son pouvoir lui échappe, un grand vide dans la poitrine tandis qu'elle sent la présence des Silences tout autour jouant de leurs tours pour les rendre impuissants. Un coup de feu, et elle voit son ami tomber. Une grimace de douleurs sur les traits. "PHIN!" Un hurlement de stupeur, rien ne fait plus sens, le monde à l'envers. Cassiopée s'arrête dans sa course, attrape le mutant touché à la cuisse, du sang métisse coule. Ses bras autour des épaules du jeune homme afin qu'il s'appuie sur elle pour atteindre une ruelle à proximité. "Hold on. You can do it, I know it hurts but we need to go away from them. Just ten more steps, it's going to be okay." Les mots rassurants dévalent la gorge de la brune en cascade dans un chuchotis, pour lui donner de la force, n'importe quoi qui lui permettra de tenir.

mai 2677
Les rayons de soleil qui filtrent des volets entrouverts ne la réveillent pas, pas plus que la mélodie des oiseaux ou le chant d'un coq, rien de tout cela ne la réveille car Cassiopée ne s'est pas endormie. Incapable de fermer l'œil de la nuit, statue allongée sur le dos, Les yeux ouverts ne trouvant pas la force de se clore, pas même pour quelques secondes reposantes. Les minutes de réconforts et de plaisirs si rapidement effacées par des heures de remords. Et toutes les excuses du monde, toute l'amertume de ces derniers mois ne peuvent dissimuler ou amoindrir la cruauté de son geste, de cet acte qui maintenant la nuit disparue lui apparaît dans toute son horreur. he wasn't there for me, le prince charmant en réalité faillible a brisé le pont qui les reliait, kilomètres de ronces et tour infranchissable entre leurs deux âmes autrefois mêlées. L'osmose semble bien loin aujourd'hui. Toute la nuit durant, les sanglots coincés dans la gorge sèche et les perles salées au bord des yeux revêches, avec une seule envie, celle de s'enfuir le plus loin possible de cette pièce étouffante, de ce bras qui pèse fort sur sa poitrine, et de cet homme endormi à ses côtés. Pas celui qui devrait reposer à ses côtés, mais un autre dont les traits lui sont si douloureusement familiers et pourtant irrémédiablement différents. His sweet lips on her skin, his crooked smile while he said her name. Les frissons de plaisir remplacés par un dégoût d’elle-même, les soupirs d’extase par l’envie de se gifler un bon coup.
Guilt.
Une nouvelle compagne qui ne la quittera plus.
Shame.
Un ami qui ne lui veut que du mal.
Son visage se tourne vers ce bras qui quelques heures plutôt la tenait fermement et lui faisait oublier ce vide intense qui avait pris possession de son être, mais qui maintenant ne lui rappelle plus que les regrets et la remplit de remords.

now
" Shit " Les doigts enserrent le petit bout de rectangle avec force. Cassiopée ne croit pas à ce qu'elle voit, ne peut pas croire aux deux barres qui retournent son monde à l'envers. Assise sur les toilettes, ses cheveux épars et emmêlés après une nuit passée dans l'hôpital, la jeune femme pousse un long soupir. Il s'échappe et virevolte dans l'air, s'étire pour devenir aussi opaque et complexe que la situation dans laquelle elle s'est bêtement plongée. La tête la première. " So stupid " Souffle-t-elle avant de laisser tomber le morceau de plastique par terre, comme si cela suffirait à faire tout disparaître et tout effacer. Elle qui est toujours en contrôle, qui avait tout prévu et bien organisé, a la nette impression que tout lui échappe. Sa main se pose sur son ventre, dans un geste futile car le médecin sait bien qu'elle ne ressentira rien. Que la chose qui pousse ne peut pas encore bouger, ne fait même pas la taille d'un petit pois. Et pourtant, c'est ce petit pois, à l'intérieur d'elle, cette chose insignifiante, qui pourrait bouleverser sa vie et tout foutre en l'air. La partie la plus rationnelle de son cerveau - la plus utilisée par l'Iskander habituellement - sait qu'il n'y a qu'une seule solution viable face à ce problème ; toutefois, une autre par d'elle-même ne peut que se demander si-là ne serait pas aussi l'échappatoire qu'elle recherche depuis l'annonce de ses fiançailles. Pavel n'accepterait jamais d'élever un autre enfant que le sien, et la différence entre lui et ce.. Cet être serait bien trop flagrante pour dissimuler son écart. L'idée devient obsession dans sa tête, où tout s'embrouille depuis plusieurs mois. Les tensions qui s'accumulent semblent trouver leur point culminant dans ce moment bien précis. Dans les toilettes de l'hôpital. How glamorous. Elle pourrait en rire Cassiopée, si elle n'était pas autant dégoûtée par elle-même, par son état, par cette pensée stupide et inconséquente. Les violentes paroles de Cygnus tournent en boucle dans sa tête  « this is disgusting. » , et elle ne peut qu’acquiescer, il a peut-être raison au final, qu’elle est dégoûtante, et cruelle. Et si stupide de penser un seul moment pouvoir mener à terme ce plan fou et idiot qui germe dans son esprit. Car elle le sait que tout au fond elle ne pourra jamais mener à bien ce plan égoïste, se résoudre à le garder pour des raisons aussi atroces. Garder un enfant qui lui rappellerait sans cesse les multiples erreurs qu’elle commet ces derniers temps. « i can't even look at you right now. » Jamais elle ne pourrait recoller les morceaux de cette relation éclatée par sa détresse émotionnelle si elle décidait de garder cet enfant.  

Mais pour le moment, elle a besoin de croire qu'elle a le choix, et qu'elle a le temps pour décider. Le seul moyen pour elle de rester saine d'esprit, de trouver la force suffisante pour se lever, ouvrir la porte de la cabine et se rendre jusqu'aux lavabos. Cassiopée évite son reflet dans le miroir par peur de ce qu'elle pourrait y voir.  i never want to see you again. Elle se flagelle en se remémorant chacun des mots utilisés, ses mots qui lui ont coupé le souffle, brûlé la gorge, arraché le myocarde. Le déni comme soupape de sécurité pour affronter le monde, un tout petit peu plus. Cassiopée ne peut prendre cette décision seule, ne sait pas encore vers qui se tourner. Le seul vers lequel elle aimerait réellement se tourner ne veut plus jamais la voir. Ses meilleures amies pourraient-elles comprendre et l’aiguiller comme il le faut ? Sans aucun doute, mais elle a trop honte pour leur en parler. Et elle n’est pas prête à avouer au père que leur bétise en entraîne une autre, bien plus grave. En fait, il ne lui reste qu’une personne, la seule en qui Cassi place toute sa confiance et son amour, elle doit voir Themy. Elle hésite même à se rendre chez elle en pleine nuit, mais n'a qu'une seule réelle envie : rentrer chez elle, dans ce petit appartement qui n'appartient à personne d'autre, sous les toits rassurants qui créent un cocon protecteur contre le reste de ce monde effrayant, et s'enfouir sous les couvertures et dormir. Oui dormir, pour ne pas penser. Ca fait si mal penser.



My love,
My Cy',
Dear Cygnus,  

You probably hate me right now, you made it pretty clear that you didn't want me in your life anymore, and I so want to respect your wish. Really. I tried. It is the hardest things that I have to do : forgetting you, not talking to you, not seeing you.
But I can't anymore, I miss you when I wake up, and I miss you at night. I miss you everyday, and I even miss you in my dreams. Since you left, my sky is filled with clouds and my heart is empty. It's so stupid really, I feel like an automat who just go  by, a numbness in my chest and your absence everywhere.

You know sometimes I can see you walking in my appartment, going through my bookshelves like you used to, watching me while I slept, kissing me on the neck. I can smell you on the cushion you used to take, on the sheet that I washed a thousand times since then, and even sometimes on my own skin. You're so imprinted in me, that it hurts just to exist. How can I forget you without forgetting myself ?

One day, You said it was forever, but forever seems so far away now. I want to go back in time and make you stay, I want to be there for you when you needed me the most, before your silence, and my mistakes, I want to go back to that time we spent the night talking and stay in this bubble of time, in this exact moment when everything was simple and perfect and just us.

Why can't we be us anymore ?

Yours always,
Cassiopée


La lettre repose sur le bureau en bois, dans le studio sous les toits choisi par la brune à son arrivée dans la Capitale. Encore humide des larmes déposées par son autrice. la fenêtre ouverte laisse entrer la fraîcheur de l'été, un regard vers le dehors et Cassiopée peut observer la Tour d'Ivoire, imposante et lointaine, comme lui maintenant. Assise sur son fauteuil, les bras entourant ses genoux dénudés, ses cheveux en cascades cachant le visage démoralisé, elle continue de pleurer, silencieusement comme on lui a appris à faire. De temps en temps, un soupir quitte ses lippes et s'éloigne vers l'extérieur de la pièce - emportant avec lui les regrets et la détresse. Ses doigts s'enfoncent un peu plus à chaque fois sur la peau dorée de ses mollets, y laissant de minuscules croissants de lune, et la même rengaine recommence, encore et encore. Elle ne l'enverra pas cette lettre, et si elle pensait qu'en mettant sur papier ce qu'elle ressentait lui permettrait d'alléger le poids qui lui plombe le cœur, Cassiopée se trompait. Ça lui fait tout aussi mal et même plus encore, car le seul capable d'alléger sa peine et celui-là même qui refuse de la voir.