Aureus semble recommencer à vivre, après les attentats de mai. Il n'a pas fallu longtemps aux esprits pour chasser leurs souvenirs de ce jour funeste. On prétend oublier, mais Flynn a remarqué les changements, dans la capitale. Du coin de l’œil on s'épie, on se méfie de ces personnes que l'on croise dans la rue. L'argent dévisage le rouge en se voulant discret, sans faire de différence entre les deux sangs carmins, la discrimination se veut pareil pour les deux. Il est difficile d'oublier la violence qui a sali leurs rues, qui a sali tout leur continent. Pourtant, ça n'empêche pas le Jenkins de dormir, lui, indifférent face aux conflits qui menacent d'éclater dans tout Akkadia. Peut-être car il ne partage pas leurs doutes, mutant élevé parmi les argents, ayant côtoyé des rouges toute sa vie. Jamais ses parents ne lui ont appris à se méfier des autres, pas pour la couleur de leur sang, du moins. Une idéologie qui se voudrait presque parfaite, s'il n'y avait pas cette ombre sur le tableau. La religion, qui se mêle aux convictions des siens, mais qu'il n'est jamais parvenu à comprendre. Pourquoi choisir de se laisser dicter sa vie par d'autres, par des doctrines vieilles de plusieurs centaines d'années. Plus que ça, c'est l'hypocrisie qui caractérise les croyants qui l'a toujours dégoûté. La religion, utilisée, usée, comme la plus vieille des excuses pour justifier ses actions et son comportement. Flynn n'avait pas besoin de ça, il avait toujours assumé ses erreurs, aussi nombreuses pouvaient-elles être.

Lorsque le jeune homme se décide à quitter le bureau d'avocats qui l'emploie, le soleil se couche déjà sur la ville. Le cabinet, prestigieux, est proche de la Tour d'Ivoire, dans un immeuble presque voisin. La Tour les domine tous, et renvoie sur les bâtiments alentours les rayons du soleil qui se reflètent sur ses vitres. Les pas de Flynn le mènent jusqu'au pied de la Tour, là où l'ombre du titan se projette sur le sol, et sur le Tempio Sacro, juste à côté de lui. Malgré lui, le mutant sent son regard couler sur la pierre du bâtiment. Quelques marches permettent d'accéder aux portes, ouvertes, du temple. Quelques personnes entrent et sortent par ces portes, des fidèles, probablement. Flynn les observe, le visage neutre, pourtant son esprit s'active dans sa tête. Inconsciemment, le brun ralentit, jusqu'à s'arrêter devant les marches. Il a presque l'impression que le temple lui tend les bras, l'invite à entrer et à se laisser convaincre par les paroles des femmes qui s'y trouvent. L'une d'entre elles est occupée à nettoyer les marches. Sa robe grise trahit probablement sa position dans la hiérarchie, mais Flynn a depuis bien longtemps oublié les enseignements qu'il a pu recevoir à ce sujet. Sous son voile, le Jenkins ne parvient pas à deviner son visage, mais il suppose qu'elle sourit lorsqu'elle lui adresse la parole d'une voix chantante. « Vous pouvez entrer, si vous le souhaitez. Les Dieux accueillent tous leurs enfants. » Le mutant secoue la tête. « Non merci. » Il s'apprête à repartir, lorsqu'une silhouette s'arrête en haut des marches et attrape son regard. Baignée par les dernières lueurs du jour, ses cheveux dorés, comme une auréole au-dessus de sa tête. Il cligne des yeux quelques fois pour chasser la lumière qui l'aveugle presque, pour chasser cette illusion qui ne peut être que ça, un mirage. Mais il n'en est rien. La jeune femme descend les escaliers, et plus elle se rapproche, moins il est possible pour Flynn de douter. Le voilà ramené des années en arrière, alors qu'il n'était qu'un enfant, qu'un adolescent. Tous les deux bien plus jeunes, plus insouciants, aussi. Pourtant, ces traits, il les reconnaîtrait entre mille, même après tant d'années sans l'avoir vu. Persephone, l'amie d'enfance, le premier béguin du gosse qu'il était à cette époque. Il se souvient avoir partagé son enfance avec cette fille, avec cette femme, avoir vu ses propres sentiments à son égard changer, au fil des années. Pourtant, il ne lui a jamais rien dit, et lorsqu'il est parti faire son apprentissage ailleurs, il n'a pas même pris le temps de venir lui annoncer. Ça aurait été trop dur, à l'époque, de faire face à ses grands yeux emplis de tristesse. Il a été lâche, stupide même, et même s'il le regrette aujourd'hui, il est trop tard pour changer ce qui s'est passé à l'époque. « Persephone? » En entendant son prénom, le visage de la jeune femme se tourne pour lui faire face. Un visage sur lequel il arrive encore à retrouver certains de ses traits enfantins qu'elle arborait déjà à l'époque, et pourtant il voit qu'elle a changé. « Je n'étais pas sûr que ça soit toi. » Mensonge. Il en était certain depuis que ses yeux s'étaient posés sur son visage. « Ça fait longtemps. »