Début du rp

« Oui ». L’ambre se mue légèrement, les sentiments qui se battent au sein du corps du jeune roi sont comme une tempête, et il est difficile de savoir lequel remporte la victoire dans son regard. Adonis l’a oublié, mais Cal sait si bien lire les ambres qui le fixent avec intensité. Il a oublié qu’il n’a pas besoin de mots, et ignore qu’il lui envoie des messages sans même le vouloir. Ce qui transparait dans ses iris dorées, c’est presque du <i>bonheur</i>, du soulagement, mêlé à une profonde impression d’être perdu, libéré au milieu d’une forêt de sentiments qu’il ne reconnait pas. Il manque quelque chose, mais Adonis ne sait pas quoi. Et dans le cobalt en face de lui, il ne parvient plus à y lire tout ce que Cal ne lui dit pas. Il n’arrive plus à comprendre, même si son cœur lui hurle de tout faire pour qu’il reste là. « Mais je ne sais pas pourquoi. C’était probablement une erreur. »

<i>Non</i>, hurle à nouveau le palpitant, qui s’agite soudainement contre sa cage thoracique. Une boule se forme doucement dans sa gorge. <i>Non, reste</i>. Mais pourquoi ? Adonis l’a tant et tant repoussé. Cal ne lui a fait que du mal, et Adonis ne l’aime pas.

Du moins c’est ce qu’il croit.

Il a oublié les baisers, les caresses, les murmures et les regards. Il a oublié les sourires destinés qu’à lui, les soupires, sa bouche contre sa gorge et son corps contre le sien. Ces sensations incroyables, qui pourtant semblent presque vouloir l’envahir à nouveau. Quelque chose au bout de ses doigts le démange. Il veut toucher, il veut le toucher, <i>lui</i>. Une envie soudaine, un besoin constamment réprimé par celle qui veut se venger d’un ancien empereur. Mais elle n’est pas là, et lui oui, et le besoin revient, plus violent que les vagues contre la digue.

« Peut-être… » <i>Non</i>, ça crie en lui, ça se déchaine. Son cœur ne semble pas vouloir se calmer. Adonis déglutit, son regard fuyant l’océan devant lui, pour se poser sur le château derrière. Il repense à ce qui l’a fait fuir, il repense à Merle. Entre les bras de Cal. Les doigts du brun se plient, et se déplient. Une certaine nervosité l’envahit, une certaine colère aussi. Elle émane de lui, et Cal va la ressentir, parce qu’il connait son ancien amant par cœur. Et Adonis n’en a plus conscience.

« Tu sembles plus proche de Merle. » L’ambre brûlante coule dans le cobalt. Un Adonis du passé se tient désormais devant le roi, puant la jalousie, puant la colère. Au fond, son palpitant hurle à nouveau. Il veut être à Cal, et être le seul que le roi des flammes possède.

Les vagues qui s'échouent sur la plage portent une douce mélodie aux tympans du roi. Délivrance face au mutisme qu'Adonis lui offre, face aux secondes qui passent et s'étirent sans que son ancien amant ne prononce un mot. Si bien souvent ils ont réussi à trouver le réconfort dans ces silences partagés, aujourd'hui ça n'est pas le cas. Il ne fait que ressasser, Cal, piégé dans ses propres pensées, ses propres souvenirs qui, eux, ne lui accordent aucun répit.

Finalement, la voix du Griffith s'élève par-dessus les vagues, pour formuler une indécision que l'ancien empereur avait déjà lu dans ses prunelles. Le doute, suffisamment grand pour laisser place à l'espoir, peut-être vain, que l'homme qui se trouve en face de lui peut encore changer d'avis. Car il aurait été simple pour Adonis de lui dire qu'il s'agissait effectivement d'une erreur, de lui demander de partir, ou même de fuir à nouveau. Mais il n'en fait rien. Même si l'ambre se détache du cobalt, Cal, lui, ne peut se résoudre à détourner le regard. Il en est incapable. Les prunelles restent fixées sur le visage du brun, à détailler ces traits dont il a tant rêvé, qu'il a passé tant d'heures à observer qu'il n'est pas certain d'un jour pouvoir les oublier, même après des décennies passées sans se voir. Même si Adonis ne le regarde plus, Cal sait que son regard à lui sera toujours posé sur lui, quoi qu'il arrive.

Après quelques secondes, les prunelles incandescentes s'arrachent à l'observation de l'océan, bien plus calme que celui dans lequel elles se plongent désormais. Car le regard de l'Oshun brille à la lueur de la lune, animé par toutes les émotions qu'il a passé des semaines à refouler. Des émotions qui menacent de le submerger depuis Launondie, depuis qu'il pensait pouvoir panser ses plaies dans les bras de son amant, avant que ce dernier ne se détache de lui, comme il aurait dû se douter qu'il finirait par le faire. Car Adonis a vu, bien mieux que tout le monde, le mal que Cal est capable de causer autour de lui. La mort, qu'il a semé dans son sillage, en réponse à sa propre lâcheté. Il a vu, ce qui arrivait à tous ceux qui ont été suffisamment stupides pour graviter autour de l'ancien empereur. Alors en vérité, Cal n'est pas surpris de cette finalité. C'est probablement mieux ainsi, mieux que leurs chemins se séparent avant que cette spirale de désolation ne s'empare aussi d'Adonis. L'Oshun sait qu'il ne pourrait pas le supporter.

Mais cette fois-ci, lorsque leurs regards se lient, et qu'Adonis reprend la parole, ce n'est plus seulement le doute, qui danse dans les iris du roi. La nervosité de l'ancien ambassadeur est palpable, et l'or de ses pupilles semble avoir fondu sous les assauts du feu qui les animent. Jalousie. Il sait lire au-delà des paroles de son ancien amant, sait associer les mots avec les confessions de son corps. Pris par surprise, Cal ne peut retenir le léger rire qui échappe de ses lèvres. Il n'est pas certain d'être amusé par la situation, il ne sait pas comment réagir, en vérité. A son tour il se détourne du Griffith et vient passer une main dans ses cheveux. « C'est tout ce qui t'importe? » Il secoue la tête, avant de se tourner pour faire face à nouveau à Adonis. « J'apprécie Merle, c'est une amie. Elle fait partie de ma famille, désormais. » Il hausse les épaules, tente de chasser par la même occasion cette colère qui commence à s'éveiller en lui. La colère de voir qu'Adonis pourrait penser autre chose, pourrait croire qu'il éprouve de l'intérêt pour quelqu'un d'autre que pour lui. Comme si les derniers mois n'avaient pas existé, comme si les gestes, les mots, qu'ils ont échangé, n'avaient aucun sens, aucune valeur. « Tu devrais le savoir. »

Le rire de Cal lui glace le sang, et balance dans son être des décharges d’une électricité douloureuse. La mâchoire du brun se crispe sous la tension de ses muscles, alors qu’il l’observe passer une main dans ses cheveux, presque nonchalamment, bien qu’Adonis le sache, il y a un peu de nervosité dans ce geste. L’eartanarien l’observe encore, incapable de comprendre pourquoi il ressent cette putain de colère. Il a envie de partir, encore, et d’ailleurs ses pieds en amorcent le geste, mais… Il s’arrête, un peu plus proche de Cal qu’il ne l’était auparavant. « Oui. », cette fois sa réponse est sans équivoque : le brun est sûr de lui. C’est tout ce qui lui importe, et le rire de Cal ne lui a pas plu. La colère brûle en lui, menace de s’échapper de son corps mais quelque part, l’océan des yeux de son ancien amant le ramène les deux pieds sur terre, le tiennent fermement ancré dans cette mer de sentiments qui se déchainent en son sein. Cal est son port, lui bateau perdu au gré des caprices de ce que son coeur lui fait subir. Et même si la lumière s’est éteinte, il parvient tout de même à en apercevoir la silhouette.


« Beaucoup de choses peuvent se passer en quelques semaines. », réplique le Griffith, confession qui fait écho à leur propre histoire. Adonis n’en a pas tous les morceaux - n’en a plus tous les morceaux. Certains mots sont oubliés, certaines caresses envolées. Il a oublié les mots de l’Oshun en face de lui, l’infâme orange les ayant enfermé dans un coin de son esprit, si loin, si profondément que même lui ne parvient pas à y accéder. Pourtant tout ça commence à remonter, petits morceaux par petits morceaux, les sentiments en premier, charié par la tempête qui s’abat sur lui les vagues s’écrasent sur la terre ferme, et inonde tout sur leurs passages. « Les alliances matrimoniales avec ta fratrie, ça ne t’a pas empêché, avant… », pourquoi dit-il ça ? Pourquoi est-ce qu’il le lui reproche, alors qu’il est celui qui l’a rejeté. Adonis ressent une colère envers lui-même, désormais, parce qu’il ne parvient plus à se comprendre. Il se frustre, et de rage, il aimerait hurler, pour libérer son esprit torturé, pour faire sortir cette pression. Ca lui fout mal au crâne, alors il ferme les yeux un instant et pose son index et son pouce sur ses paupières. L’oeuvre d’Alix est toujours présente.

Une simple affirmation de la part du brun, et Cal hoche la tête lentement, le regard absent. « Très bien. » C'est peut-être mieux ainsi, de savoir où s'en tenir, où ils se trouvent. Car la jalousie qu'il a pu lire dans son regard, qu'il a pu deviner dans son attitude, attise cette petite flamme d'espoir, qui pourrait devenir bien dangereuse s'il la laissait prendre de l'ampleur. Il a besoin de ça, le roi, besoin de s'ancrer à nouveau dans la réalité, de faire face à cette colère qui brille dans les prunelles de son amant, pour retrouver les certitudes qui étaient les siennes avant qu'il ne le suive jusqu'ici. Tout semble toujours plus simple lorsqu'il est loin d'Adonis, lorsque leurs regards ne se croisent pas. Ça semble presque simple de l'oublier, de passer à autre chose, de refouler les souvenirs et les sentiments au plus profond de son être. Mais il sait qu'il sera toujours amené à le revoir, quoi qu'il fasse, et à chaque fois qu'il ose poser son regard sur le jeune roi, c'est comme si tout revenait à la surface. Tout ce qu'ils ont traversé, ensemble, tout ce qu'ils ont découvert, l'un avec l'autre. Alors peut-être que tout sera plus simple, si Adonis daigne lui offrir toute sa haine, toute sa rancœur. Si l'amour qu'il a un jour vu animer l'or n'est plus. S'il arrive à être certain que tout est fini, et que le Griffith ne pourra plus jamais l'aimer.

Si Adonis s'est rapproché, certainement sans même le réaliser, ce geste n'échappe pas à l'ancien empereur. A son tour, il fait un pas, pour s'éloigner, cette fois-ci. C'est trop difficile de supporter une telle proximité avec l'eartanarien. Il laisse alors l'homme dans son dos, alors qu'il se rapproche un peu plus de l'océan. Les vagues s'échouent à quelques centimètres de ses pieds, et la voix d'Adonis résonne derrière lui. Effectivement, beaucoup de choses peuvent penser en quelques semaines, bien plus qu'il ne l'aurait pensé. Il a l'impression que toute sa vie a changé, ces derniers temps. Comme si une éternité s'était passée, comme s'il avait vécu une vie toute entière.

A nouveau, Adonis reprend la parole, et cette fois-ci Cal fait volte-face pour lui faire face. De simples mots, suffisant pour faire naître de la colère chez l'Oshun. Il ignore le roi qui lui fait face, le langage de son corps qui semble appeler à l'aide, presque. « Tu penses vraiment que c'est pareil? Que tes fiançailles avec Isaure... » Comme un couteau qu'on lui plante dans le cœur lorsqu'il prononce son prénom. « Que notre histoire, sont comparables à ça? » Il essaye de contrôler le ton de sa voix, pourtant la colère transparaît dans ses paroles, dans chaque mot qu'il prononce en serrant les mâchoires. « Merle et Maven s'aiment. » Comme nous. Les mots lui brûlent les lèvres, mais il se garde bien de les prononcer, car il n'est plus certain que ça soit vrai. « Je ne ferais rien pour me mettre en travers de leur histoire, même si j'en avais envie. Et ça n'est pas le cas. » Il soupire, finalement, et se détourne à nouveau pour faire quelques pas dans le sable. Puis, de frustration, il lève les bras, avant de se retourner à nouveau. « Je ne sais même pas pourquoi je me justifie. Je ne te dois plus rien, tu me l'as bien fait comprendre. » Les prunelles cobalt viennent s'ancrer dans l'ambre. Il ne pourra pas lui mentir, pas cette fois. « Et toi, pourquoi ça t'intéresses autant? »

C’est comme si son cerveau allait imploser. Le brun ne supporte plus la situation, alors que les sentiments viennent s’entrechoquer les uns aux autres sous son crâne. La migraine qu’il a commencé à ressentir se fait plus intense, et il a même le sentiment de ne plus être totalement là. Pourtant il est là. Les deux pieds fermement ancrés au sol, comme toujours, il est présent auprès de Cal. Et celui-ci perd patience, il s’énerve et au fond, Adonis comprend sa colère. Car il la ressent lui-même, car il ne parvient pas à se comprendre, à comprendre que les mots qu’il prononce sortent de sa bouche. Il se souvient encore quand il a dit à Cal que tout était fini, qu’ils devaient rester de simples alliés.

Mais alors pourquoi, aujourd’hui, l’or de son regard se pose sur les lèvres du blond ? Pourquoi est-ce qu’il est en lutte profonde et interne pour se retenir de faire une énième connerie ? Mais la dernière question de l’Oshun est comme un glas sonné entre eux, et surtout le glas de la volonté du Griffith, qui reste silencieux pendant une poignée de secondes, le regard plongé dans celui de son ancien amant, et la bouche légèrement entrouverte, car il aurait voulu pouvoir répondre. D’ailleurs il secoue la tête, sa bouche s’ouvre à nouveau comme pour répondre mais aucun son n’en ressort. Il déglutit, et fini par laisser le contrôle à tous ses instincts. Le roi s’approche, avec un élan de précipitation qui lui ressemble plus que tout ce qu’il s’est passé aujourd’hui et depuis des semaines. Son corps heurte celui de l’ancien empereur, et ses mains se logent dans sa nuque. Il l’attire vers lui, alors que ses talons se soulèvent pour venir poser sa bouche sur celle du roi des flammes. Il respire enfin. Son coeur bat plus vite, sa peau se recouvrent de chaire de poule, et quelque chose dans son cerveau semble commencer à se débloquer. Il est incapable de le lâcher, Adonis. Il ne peut que continuer à l’embrasser, à chercher son contact, comme un assoiffé quand on lui donne enfin à boire. Inconscient d’avoir manqué d’autant de choses, d’autant de contact, de la chaleur exquise qui s’est toujours échappée de Cal.

Les mots échappent de ses lèvres comme une coulée de lave en fusion. Il est incapable d'arrêter avant d'avoir distillé sa colère, avant d'avoir exprimé tout son désarroi et son incompréhension. Aujourd'hui, et pour la première fois depuis longtemps, Cal est incapable de comprendre l'homme qui lui fait face. Son esprit lui semble insondable, comme si quelqu'un avait placé un cadenas sur son âme, lui interdisant ainsi l'accès aux secrets et aux sentiments du jeune roi. Ce n'est plus l'Adonis qu'il a connu, ni même l'Adonis qu'il a côtoyé ces derniers mois, celui qui a succédé au jeune homme frivole et insouciant, celui qui a été marqué par les affres de la guerre. Peut-être est-ce pour cela que l'Oshun ne parvient pas à accepter leur sort, car les mots qui ont été prononcés ne peuvent pas venir de l'homme qu'il aime. Et s'il se refuse à le croire, c'est probablement pour se protéger lui-même, pour entretenir cette illusion qui continue à le hanter, que leur histoire n'est pas terminée, qu'elle ne pourra jamais l'être.

Pourtant, c'est bien Adonis qui lui fait face, et qui le dévisage de ses prunelles brûlantes. De l'or en fusion, dont il ne parvient pas à se détacher. C'est ce regard, qu'il lui a toujours réservé, qu'il aurait été capable de reconnaître entre mille. Cette lueur si particulière, qui l'attire encore et encore comme un papillon vers une flamme. Il s'est perdu tant de fois dans ces prunelles qu'il pense être capable d'en citer chaque nuance d'ambre. Il se passe un instant, durant lequel aucun des deux n'ose bouger, peut-être par peur de faire fuir l'autre. Puis Cal a tout juste le temps d'assimiler le mouvement du brun avant que ce dernier ne vienne se heurter à lui, l'emprisonnant dans une étreinte presque violente. Des retrouvailles qui ressemblent à toutes celles qu'ils ont connu avant, animées par une intensité qu'ils ne parviennent pas à maîtriser, pas quand le manque s'est fait ressentir aussi fort. Il ne réagit pas immédiatement à ce baiser, presque sous le choc de la réaction de son ancien amant. Mais alors que les mains d'Adonis s'accrochent à lui, l'Oshun finit par sortir de sa torpeur, et s'abandonne à son tour aux bras du brun. L'une de ses mains vient se poser dans sa nuque, comme il avait toujours l'habitude de le faire, tandis que l'autre se pose contre sa chute de reins, pour le sentir plus près, toujours plus près. Toutes les sensations l'assaillent en même temps, la douceur des lèvres du roi, leur goût si familier, ses mains qui glissent contre sa peau, le bruit des vêtements qui se froissent, son cœur qui cogne dans sa cage thoracique un peu trop vite, un peu trop fort. C'est enivrant, ça lui donne le tournis, presque. L'une de ses mains glisse sous la chemise du brun pour caresser sa peau. Il aimerait lui demander ce qu'ils sont en train de faire, ce que signifie tout ça, mais il ne peut se résoudre à abandonner les lèvres de l'ancien ambassadeur. Il ne peut se résoudre à briser cet instant. Même si en son fort intérieur, il sait que le contre-coup sera terrible, le moment présent est bien trop délicieux pour y mettre fin.